Live Report, Paris - Maroquinerie, 2 décembre 2014: le concert surprise!!
- coralieslota
- 31 déc. 2014
- 11 min de lecture
1er décembre 2014. Tout le monde se prépare pour le grand rendez-vous qui aura lieu dans 2 jours: le concert au Zénith de Paris. Effectivement, un concert dans la capitale n'est jamais anodin. D'une part, parce qu'on a l'habitude d'y vivre de grands concerts et que les artistes y préparent souvent des surprises, d'autres part parce que les précédentes dates parisiennes ont déjà marqué cette première tournée de Détroit, en juin, à la Cigale, et en octobre, à l'Olympia. A la Cigale, nous avons véritablement connu 5 concerts mémorables dans un chaudron en effervescence puis quatre mois plus tard, les trois concerts de l'Olympia se sont révélés comme être des dates charnières de cette tournée triomphale. Pour beaucoup, il y a un avant et un après Olympia. C'est comme si un déclic s'était produit, le groupe se lâchant beaucoup plus sur scène mais aussi dans ses interactions avec le public.
1er décembre 2014 – 12h. La nouvelle a l'effet d'une bombe: Détroit organise un concert supplémentaire à la veille du Zénith de Paris, à la Maroquinerie, petite salle qui promet une atmosphère intimiste. Les places seront mises en vente 2h plus tard et seulement 500 privilégiés pourront décrocher le précieux sésame. La nouvelle se répand rapidement et l'on sait qu'il va être difficile d'obtenir ces places tant désirées. La pression monte …
1er décembre 2014 – 14h. La billetterie en ligne ouvre à 14h précises … Sauf qu'il faut toujours se méfier des horaires, là, c'est l'expérience qui parle! En effet, dès 13h59, la billetterie est finalement ouverte. Soulagement, les places sont achetées. En 3 minutes, elles seront quasiment toutes vendues. Quelques exceptions sont à noter: certains obtiendront des places plus d'une heure après le début de la vente … les mystères de l'informatique!
Comme nous l'imaginons aisément, beaucoup n'ont pu se procurer de billet donnant accès à ce concert qui promet d'être mémorable, certains croyant même à une arnaque tant il était difficile d'obtenir un ticket.
2 décembre 2014. Finalement, avant le concert tant attendu au Zénith de Paris, nous allons donc avoir le droit à une petite mise en bouche avec cette date surprise à la Maroquinerie. Jamais nous n'aurions pensé, même dans nos rêves les plus fous, voir Détroit dans une si petite salle! Apparemment, cette date aurait été décidée seulement 3 jours auparavant, au lendemain du concert de Genève, alors que le groupe se trouvait encore en Suisse. J'y vois surtout ici, avec cette programmation de dernière minute, une volonté pour eux de se faire plaisir, de revenir aux bases, mais aussi de faire plaisir au public et peut-être même plus particulièrement au public de fidèles qui suivent Détroit sur de nombreuses dates. Et oui! Qui allait, en majorité, se tenir prêt à réserver des places à 14h précisément voire quelques minutes avant? Les habitués bien entendu! Cette attention de la part de Pascal, Bertrand, Bruno, Niko et Guillaume nous fait vraiment très plaisir … enfin, c'est bien plus que ça mais les sensations ressenties sont indescriptibles.
2 décembre 2014 – 20h10. Nous prenons possession des lieux. Effectivement, nous ne pouvions pas espérer mieux comme proximité avec le groupe. Nous nous installons. Il n'y a, de toute façon, pas de mauvaise place dans cette salle tant elle est petite.
2 décembre 2014 – 20h40. Le groupe fait son entrée sur scène et est très applaudi. On les sent tous heureux d'être là. Pour nous, dans le public, c'est comme si Détroit allait jouer dans notre salon. Bertrand avertit déjà: "merci de vous êtes déplacés en ce jour d'hiver, on est entre nous, il y a une date importante demain il paraît mais on n'en parle pas, on est bien là entre nous." C'est ça, entre nous! Le groupe peut voir chaque membre composant l'assemblée et c'est vraiment quelque chose qui ne se produit pas souvent.
Avant même que le concert ne commence, les réclamations à propos de la setlist fusent! On entend "Les Ecorchés" comme pratiquement à chaque date. Bruno Green répond: "ça va venir". Là, l'espoir renaît en nous de réentendre ce titre en live d'autant plus que c'est une soirée particulière donc tous les espoirs sont permis! Une autre personne crie "Tostaky!!!" Bruno répond de nouveau: "oui ça viendra … un jour ou l'autre …" Et à Bertrand d'ajouter: "plutôt l'autre". Sourire de Bruno. A ce moment précis, nous ne comprenons pas cette intervention mais elle prendra rapidement tout son sens. Bertrand, Pascal, Bruno, Guillaume et Niko s'installent tranquillement. Chacun prend son temps, c'est comme à la maison! Puis, Bertrand, visiblement d'humeur taquine lance: "puisque c’est ça, on ne va faire que des reprises de Maxime Le Forestier. Non, c'est pas vrai. De toute façon, on ne sait pas les jouer, alors!" Un spectateur s'exclame alors: "lui non plus!" Rires dans le public et sur scène. On se sent déjà entre potes!
Début du concert avec "Glimmer In Your Eyes". Le contraste sonore est saisissant avec ce qu'on a l'habitude de vivre. Et ce soir, concert toute en sobriété: un jeu de lumières un peu plus light et aucune vidéo projetée derrière les 5 protagonistes. Mais ceci n'enlève rien à la magie de la soirée. Un titre acoustique pour débuter … on commence à se dire que l'on va peut-être avoir un concert tout acoustique, le lieu s'y prêtant formidablement bien. Mais non, pas du tout! Vient alors "Ma Muse" dans une version puissante et avec un Bertrand Cantat à la voix très éraillée qui nous transporte quelques décennies en arrière.
C'est au tour du titre "Horizon" d'être joué et cet enchaînement n'est pas sans nous rappeler la setlist habituelle. Finalement, y aura-t-il des surprises ce soir? Et oui, le public en veut toujours plus. Mais ce concert est déjà un cadeau en soi alors rapidement, nous nous raisonnons afin de continuer à profiter un maximum. C'est maintenant "Le Creux De Ta Main" qui résonne. A n'en pas douter, le groupe prend beaucoup de plaisir à se retrouver dans un si petit club, il s'agit là comme d'un retour aux sources! Cependant, quelque chose me dérange: Bertrand ingurgite une boisson chaude aussi souvent qu'il le peut et je commence à me poser des questions sur son état de santé.
Première cover de Noir Désir ce soir: "Lazy". A l'évidence, sur ce titre, l'ambiance devrait commencer à monter! Et bien, finalement, pas tant que ça … Bertrand ayant du mal à faire reprendre le refrain par la salle qui mettra du temps à s'exécuter. Après réflexion, je me dis que la très grande proximité entre le groupe et le public doit jouer: nous osons moins nous lâcher. Et puis, il faut dire qu'on se trouve encore sous le coup de l'émotion. C'est tout juste si 24h plus tôt nous savions que nous verrions Détroit à la Maroquinerie! Ce que l'on vit a quelque chose de surréaliste. Mais le public se met enfin à chanter ce qui fait indiscutablement plaisir à Bertrand. Sa joie se lit sur son visage. Il en profite alors pour s'adresser aux spectateurs: "pour faire du bruit, on n'a pas besoin d'être beaucoup!" Bruno encourage alors tout le monde à poursuivre sur sa lancée. Encore une fois sur ce titre, je sens que la voix du chanteur ne tient qu'à un fil …
Comme lors de la première partie de tournée, Détroit enchaîne avec "Le Fleuve". Petit clin d'œil de Bruno à Bertrand comme pour l'encourager. Il y a vraiment des signes qui ne trompent pas. Bertrand a manifestement besoin de soutien ce soir. La mélodie débute et l'acoustique de cette salle intimiste sublime d'une beauté incroyable le son de la contrebasse de Pascal. Le public frappe des mains en rythme jusqu'à ce que Bertrand joue les premières notes d'harmonica. Ce sera, ce soir-là, à mon sens, une des versions les plus remarquables de la tournée bien que Bertrand ait décroché vocalement par moments mais il me semble que c'est aussi ce qui a contribué au côté inhabituel de son interprétation. Une chose me marquera aussi: le silence du public sur la fin du titre, public attentif au solo de Bertrand à l'harmonica. L'émotion était palpable.

A présent, instant de légèreté avec "Le Vent Nous Portera". On s'amuse dans la foule comme sur scène. Bruno en perd d'ailleurs un de ses instruments de musique, sorte de maracas sans manche. La chanson finira sur une longue partie instrumentale qui ravira l'ensemble des personnes présentes. De toute évidence, le groupe prend plaisir à improviser ce soir.
Un des moments tant attendus arrive alors: "Un Jour en France", l'hymne de toute une génération voire de plusieurs générations, fait monter l'ambiance d'un cran. Le couplet "FN, souffrance, qu'on est bien en France, c'est l'heure de changer la monnaie. On devra encore imprimer le rêve de l'égalité, on n'devra jamais supprimer celui de la fraternité, reste des pointi-llés, -llés, -llés, llés" est repris en chœurs par les 500 personnes présentes comme un cri de rage. C'est vrai, nous ne sommes pas nombreux mais nous faisons du bruit!
Echanges avec le public. Il semblerait que Bertrand veuille s'expliquer sur son problème de voix qui n'est pas passé inaperçu: "Ce soir, concert à thèmes … et sans voix!" (rires) Il fait signe de la main que ça coince vraiment vocalement ce soir puis ajoute: "désolé!" Il annonce alors "Null & Void" puis s'exclame, avant de commencer les premiers accords de guitare: "le petit chaperon rouge!" Je doute que quelqu'un ait compris!! Peut-être un pari entre membres de l'équipe, allez savoir! Le groupe entame donc le 9ème titre de la setlist et cette fois, Bertrand pioche vraiment niveau vocal, si bien qu'il demande de monter le son de son micro. Moi-même mais aussi une bonne partie du public commençons à nous inquiéter pour le concert du Zénith qui doit se tenir le lendemain. Fin de la chanson. Tibru, un des rodies, apporte à Bertrand une autre guitare comme pour enchaîner sur un prochain titre mais, surprise, il sort de scène et les 4 autres le suivent. Grosses interrogations dans l'assemblée d'autant plus que le groupe tarde anormalement à revenir sur scène pour le rappel.
Une fois de retour, Bertrand prend la parole et nous met tout de suite au parfum: "C’est tellement bien d’être avec vous et évidemment j'suis tombé malade comme un chien avant hier. Mais j'pouvais pas savoir, donc excusez-nous … moi surtout!" On le sent peiné de ne pas pouvoir assurer à 100 % ce soir d'autant plus que ce rendez-vous totalement imprévu s'annonçait comme être un moment à part, simplement une soirée pour s'éclater entre "amis". Bertrand joue les premières notes de "Droit dans le Soleil" à la guitare puis s'arrête rapidement pour nous rassurer: "tout va bien!" "Ça va l'faire" lui lance une personne dans le public comme pour lui renvoyer l'ascenseur. La guitare résonne de nouveau suivie de la contrebasse de Pascal. La version de "Droit dans le Soleil" de ce soir va nous coller les frissons.
Retour sur scène de Bruno, Guillaume et Niko pour interpréter "Ange de Désolation". Silence dans la salle. Moment suspendu. Bertrand s'offre même le luxe de monter dans les aigus de façon inhabituelle sur ce titre et le rendu est magnifique. Fin de la chanson. Le chanteur semble gêné par ce concert qui ne se déroule pas comme il l'aurait voulu et tient, par ces mots, à exprimer ses regrets: "Vous n’êtes pas malade vous au moins? Y'a un virus de je sais pas quoi qui m’est tombé sur la tronche, je le maudis … Mais on est quand même heureux d’être là."
Les lumières rouges font leur apparition. "Sa Majesté" va retentir! Et cela sera incontestablement un des grands moments de la soirée, Bertrand se montrant tour à tour moqueur ("Le saviez-vous? Plus d’un français sur deux … est impuissant! Le saviez-vous ? Plus d’un anglais… non rien!") et porte-parole de cette société qui va mal, désirant, de toute évidence, faire réagir les personnes du public, citoyens français, quant aux façons de procéder des hommes politiques ("Ça suffit, arrêtez… Ah! Vous êtes en âge de comprendre, non? Surtout lui là-bas avec des moustaches … Vous êtes en âge de savoir … Vous êtes en âge donc de subir. Ô peuplades ennemies, quand on va vous rentrer dans la gueule, vous allez voir, ça va faire pschitttt … Ô population soumise, pendant qu’on vous distrait avec les nouvelles histoires de Sarkozy … faut vraiment rien avoir à foutre ! Il nous avait pas dit qu’il était aphone celui-là ? Ferme ta gueuleeee … ah, mais pour ça jamais … même mort!!!"). Bertrand réagit ici à l'actualité: Nicolas Sarkozy a été ré-élu président de l’UMP le 29 novembre 2014.
Tout le groupe prend du plaisir sur scène. Bertrand improvise un solo de guitare, s'amuse même, à un moment, de ses difficultés à sortir une note! Puis, il poursuit avec une nouvelle diatribe: "Je sens que souffle la révolte … Oh et puis non, non non non non! Et je dis non, non non non non! Pas question. La révolte ça peut nous faire du mal … Alors là … On peut toujours essayer, aller, aller, aller, aïe, aïe, aïe!!! En attendant, Sa Majesté domine bien son sujet. Ça, elle sait faire, elle sait faire: Bouygues, France-Telecom, tiens … euhhhhhh, quoi? Tiens … Monsieur Etienne de la Boétie l’avait dit, l'avait dit. Monsieur Etienne de la Boétie pourra le répéter encore, toute sa vie on lira … ah, ah, ah, ah, ah … Le traité de la servitude volontaire, volontaire, volontaire, volontaiiiiiirrrrrreeee!!!" Le morceau aura duré plus d'11 minutes et on en aurait presque oublié les soucis de santé de Bertrand. Il tient à remercier les spectateurs: "merci beaucoup à vous". Mais finalement, on s'aperçoit qu'il a vraiment donné tout ce qu'il avait vocalement.
"Sa Majesté" à la Maroquinerie, le 2 décembre 2014 © indolaure
Niko, Pascal, Bruno et Guillaume le rejoigne sur le devant de la scène. Concert terminé? Oui? Non? Bertrand s'exprime alors: "vous nous comprendrez mais là …" en faisant signe de la main qu'il ne pouvait plus continuer à chanter. Les 5 membres de Détroit quittent alors la scène non sans oublier de s'adonner à quelques pitreries! Éric, le garde du corps de Bertrand, fait signe à Bruno Corsini, aux lumières, quelques instant plus tard, que c'est bel et bien terminé, Bertrand ne pouvant plus poursuivre le concert.
2 décembre 2014 – 22h10. Ce concert à la Maroquinerie prend fin. Immédiatement, nous sommes envahis par un sentiment de déception. L'impression d'un goût d'inachevé … Nous n'avons pas connu la folle ambiance tant attendue. Qu'aurait donné "Tostaky" dans cette si petite salle avec un Bertrand à 100 % de ses capacités? Nous ne le saurons jamais.
Rapidement, nous récupérons la setlist. Nous découvrons que nous aurions dû avoir "Comme Elle Vient" juste avant le premier rappel. Cela aurait pu être mémorable. Nul doute que la chanson aurait été reprise par tout le public.
Après "Sa Majesté" était prévu: "Fin de Siècle", "Tostaky" puis "Gimme Danger" et "Hey Hey, My My" pour un ultime rappel. Je pense que ce final aurait pu être mémorable!! Mais bon … finalement la déception passe rapidement. Oui car nous avons eu la chance de vivre ce concert totalement inattendu dans un cadre inhabituel. Ensuite, parce que je pense que les membres du groupe devaient être les premiers déçus de ne pas pouvoir aller au bout de ce concert surprise. Enfin, nous pouvons et même nous devons être infiniment reconnaissants envers Détroit et en particulier, envers Bertrand, d'avoir assuré ce concert, pourtant non initialement prévu, dans ces conditions.

La setlist prévue du concert à la Maroquinerie le 2 décembre 2014 © Chantal Pustay
Et puis, l'heure est aux interrogations. Bertrand ayant fini avec la voix très abîmée, pourra-t-il assurer la date du Zénith de Paris le lendemain? Des spectateurs de toute la France, de Belgique et peut-être même de Suisse ont prévu le déplacement. Il est vraiment difficile de reporter un concert dans la capitale. Et disons-le franchement, même si nous avons appris à passer au-dessus des critiques de la presse, si, malheureusement, Bertrand ne serait pas en mesure d'assurer ce concert, les critiques faciles iraient bon train, venant, malgré tout, entacher cette magnifique tournée faite de retrouvailles et de partage avec les gens, "avec la rue", comme Bertrand et Pascal disaient dans une interview accordée à France Bleu Sud-Ouest avant le début de cette tournée. Nous croisons alors très fort les doigts pour que la nuit soit réparatrice …
Les photos du concert ici.
Cor Aly


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